Comme il a été dit plus en avant, l'idée de réunir ses camarades des classes du Cours Complémentaire de la Pointe-Pescade, germait depuis longtemps dans l'esprit de Lucette. Seulement, cette tâche de recherche étant très prenante, elle ne put immédiatement l'entreprendre. Il fallait élever nos filles, et gérer notre maison. Lorsqu'elle fut un peu plus libre, des problèmes de santé, aujourd'hui résolus, ont repoussé à plus tard ces efforts de recherche.
Lorsque nous parlons de premières retrouvailles, nous spécifions celles qui ont été organisées le 24 Avril 2004, et qui a permis à 14 élèves du Cours Complémentaire de se retrouver. Toutefois, ses années "parisienne" lui ont permis de retrouver quelques-uns ou quelques-unes de ses camarades bien avant cette période, soit parce qu'ils étaient proches de chez nous, soit que le hasard fît bien les choses en provoquant des rencontres inopinées. Il faut dire aussi, que les revues de l'ASSE "Association Souvenirs de Saint Eugène" permirent de récupérer des coordonnées de parents de camarades de classe, par conséquent de reprendre contact avec certains. Mais tous ne s'étaient pas fait connaître auprès de cette association, et d'autre part, tous n'habitaient pas Saint Eugène.
Dès les premières années de son arrivée en métropole, Lucette renoua des relations avec Aline Teboulle, qui habitait avec son mari, à Paris. Le plaisir de voir la complicité entre Lucette et Aline, m'aida à comprendre très fortement le déracinement de Lucette avec son pays natal. A cette période, le besoin de retrouvailles n'était pas encore apparu, mais ces liens entre Lucette et Aline contribuèrent énormément à générer ce besoin quelques années plus tard. Lucette garda avec Aline des relations jusqu'à la fin des années 1970, période tragique pour Aline, et période de son émigration en Israël. A partir de ce moment elle n'eut aucun contact avec Aline, et ce n'est que très récemment qu'elle la retrouva.
Lorsque Lucette retrouva Aline dans cette décennie 1960, son amie avait déjà eu des contacts avec Marcelle Riera, une autre camarade de classe de la Pointe Pescade. Nous assistâmes à une cérémonie de changement de propriétaire d'une guinguette sur les bords de la Marne, à Joinville-le-Pont. Je ne saurais dire si Marcelle en était devenue propriétaire, si elle en prenait la gérance ou toute autre activité. Si mes souvenirs ne me font pas défaut, si l'ancien propriétaire n'était pas Jean Daurand, le fameux inspecteur Dupuy de la série télévisée " Les cinq dernières minutes ", de la période Raymond Souplex (oui c'est pas jeune tout ça), il assistait à cette cérémonie. Oui, je sais, il y a pas mal de si, mais j'essaie de fournir le maximum d'indices, de façon qu'un lecteur puisse à son tour avoir une information inédite à me fournir (voir la page contact). Dernières informations, Marcelle a été retrouvée en 2005.
Mais voilà, les aléas de la vie ont fait que Lucette perdit contact avec Marcelle Riera, et à ce jour elle ne l'a pas toujours retrouvée, et ceci malgré les renseignements fournis lors des dernières discussions téléphoniques entre Aline et Lucette.
Bien que les contacts avec Jean-Marc Verdu furent "chahutés", ils ne furent jamais rompus. Ceci est normal, lorsque l'on sait que le père de Lucette et la mère de Jean-Marc sont des cousins germains. En conséquence, Lucette connaissait son lieu de résidence, et elle reprit contact avec lui vers les années 1966-1968, lorsque nous habitions Romans Sur Isère, Jean-Marc étant sur la région grenobloise. Par la suite, chacun suivant les obligations de ses activités, nous perdîmes de vue Jean-Marc, tout en sachant que nous pouvions renouer les liens, ce qui se fît en 2004.
Au début des années 1990 un camarade, Alain Sancho, téléphona à Lucette. Il avait obtenu ses coordonnées avec l'aide des informations diffusées par un bulletin de l'ASSE. De plus, son camarade habitait à une dizaine de kilomètres de chez nous, dans le Nord de la région parisienne. Alain travaillait à la RATP et était membre d'une association de Pieds-Noirs de cette entreprise. Est-ce cette appartenance ou le fait qu'il ait gardé des contacts avec d'anciens camarades de son adolescence, toujours est-il qu'il a permis à Lucette de revoir deux anciens camarades de classe du Cours Complémentaire, Serge Domenech et Jean-Louis Prato, et une ancienne équipière du club de sport, elle-même du Cours Complémentaire, mais d'une classe supérieure, Linda Serrano. Nous avons figé ces retrouvailles sur photo.
Premières retrouvailles chez Alain Sancho à Arnouville-lès-Gonesse
Sur cette illustration, qui date d'octobre 1992, nous voyons assis sur le canapé, de gauche à droite, Alain Sancho, Linda Serrano, Serge Domenech, Lucette Gatt, et accroupi, Jean-Louis Prato.
A cette même période, à une ou deux années prêtes si ma mémoire est bonne, Lucette pût rencontrer Ahmed El Affaf, venu en France pour affaire. Enorme joie de rencontrer son ami algérien, qui lui permettait d'entrevoir qu'une visite en Algérie était possible. Grâce à cette visite, elle reçut un appel téléphonique d'autre ami algérien, Mohamed Larbi, installé au Canada.
L'Algérie allait entrer dans une période sombre, qui repoussait à des jours meilleurs notre projet de voyage dans ce pays. Ces évènements tragiques n'ont pas atténué la volonté de Lucette à retrouver son pays, mais la raison l'emportait sur le désir. Pendant toute cette triste période, elle eut constamment une pensée pour ses camarades de classe algériens restés là-bas.
Nos filles étant mariées et installées, Lucette commença à repenser à l'idée de retrouver ses camarades de classe. Comme elle fréquenta plusieurs établissements scolaires, il lui fallait choisir un point de départ. Son choix se porta sur le Cours Complémentaire de Pointe Pescade, non seulement parce qu'elle avait déjà retrouvé des camarades, mais aussi parce que ces classes l'ont profondément marqué.
Mais un autre événement repoussa ce travail de recherche. Fin 1998, la société qui m'employait, me proposa de partir volontairement en préretraite. Après une brève discussion entre Lucette et moi, j'acceptai cette proposition, et je quittai mon emploi fin mars 1999. Pour Lucette, le fait d'être dans une région non ensoleillée était un calvaire, qu'elle acceptait de vivre pour la nécessité de notre foyer, mais elle s'était jurée que dès la retraite, nous irions rejoindre la Provence, région où vivait ses parents. Ceux-ci avaient fait le partage de leurs biens entre leurs deux filles, Nicole et Lucette. Dans ce partage, Lucette hérita du logement de ses parents, logement dont ils conservaient l'usufruit. A cette époque ils avaient respectivement 85 et 84 ans, et étaient en bonne santé. Mais comme tout le monde ils vieillissaient, et leur maison devenait de plus en plus contraignante à entretenir. En conséquence, sur une idée de Lucette, nous leur proposâmes de bâtir une extension de leur maison, afin que nous puissions vivre avec eux, tout en conservant chacun son chez-soi. Ils acceptèrent, et après une multitude de démarches administratives, les travaux d'extension commencèrent en novembre 1999.
Et là les ennuis commencèrent. Incroyable comme ces corporations du bâtiment possèdent de margoulins, pour ne pas dire d'escrocs. Bien sûr il y a dans ces métiers des gens formidables aussi, mais il devient urgent que ces corporations fassent du ménage pour éliminer les brebis galeuses. Bref, l'année 2000 fut entièrement consacrée à la construction de notre extension. Heureusement que des amis vinrent nous aider tant physiquement que moralement. Si nous emménageâmes en décembre 2000 dans notre extension, les travaux étaient loin d'être finis. Il nous fallait aménager le pourtour de notre nouvelle résidence, et surtout bâtir notre piscine. Ne voulant plus avoir à faire avec les gens du bâtiment, nous réalisâmes totalement la piscine par nous même et avec l'aide d'amis. Je ne les remercierais jamais assez pour leur aide. Avec toutes ces péripéties, ce n'est qu'à partir du second semestre 2003 que nous devenions plus disponibles, et c'est à partir de ce moment que Lucette reprit son chantier de recherche.
Lucette a commencé par reprendre contact avec les camarades qu'elle avait déjà retrouvés avant notre arrivée en Provence. Pas de problème pour Lucette Guillien et Marie-Hélène Lluzar, Lucette avait toujours des contacts avec ses deux amies.
Lucette Gatt, Lucette Guillien, et Marie-Hélène Lluzar
Nous voyons sur cette photo la joie qu'ont les trois amies à se retrouver. Cette photo date de Août 1998. A chaque fois qu'elles se rencontrent, ces scènes de joie se perpétuent.
Pour Serge Domenech, comme elle savait où il habitait, elle prit l'annuaire téléphonique et elle renoua les liens. Serge était enchanté de cette idée de retrouvailles, mais lui aussi, tout comme nous, avait perdu les liens avec Alain Sancho. Ce dernier était parti en retraite, et avait quitté le Val d'Oise pour une autre région. Nous savions qu'il avait l'intention de rejoindre les Pyrénées Orientales, où lui ou sa femme, je ne sais plus qui, avait de la famille. Mais pas de Alain ni de Liliane Sancho dans l'annuaire de ce département (nous avons su après les avoir retrouvés, qu'ils sont sur liste rouge). Ils avaient un fils, Laurent, et nous nous sommes dit qu'il était peut-être resté en région parisienne. Excellente idée, car effectivement, nous avons pu le joindre, et avec empressement, il nous donna le numéro téléphonique de ses parents. C'est ainsi que Lucette renoua définitivement les liens avec son camarade de classe.
De retrouvailles en retrouvailles, Lucette reprit contact avec Jean-Louis Prato et Christian Savaill, ces deux derniers habitant Paris. L'effet " boule de neige " commençait. En effet chacun apporta une petite pierre à la reconstruction de cette amitié. Par des indices qui recoupent d'autres indices, les informations que chacun amenait sur leurs camarades de classe non encore retrouvés ont permis à Lucette de défricher son terrain de recherche. C'est ainsi qu'elle put joindre Andrée Libaude, qui habitait autour de Marseille. Sa camarade lui donna les coordonnées de son cousin Rémy Libaude, qui résidait à Marseille. De la même façon elle put retrouver Yvette Scotto dans les Alpes Maritimes.
La façon dont Lucette et Anne-Marie Canu se sont retrouvées est une illustration de l'effet "boule de neige" cité plus en avant. Lucette avait retrouvé depuis plus d'une dizaine d'années une amie de Saint Eugène, Michelle Rovira. La mère de cette dernière était d'origine espagnole, et était née dans le village "Polop de la Marina", situé à 8 km de Altéa, à l'intérieur des terres. Par le désir de retrouver ses racines, Michelle réussit à racheter à ses oncles, tantes, cousins et cousines les parts qu'ils possédaient sur la maison natale de sa mère. Cette bâtisse était trop délabrée pour être restaurée, et Michèle avec son mari Jean Ros, reconstruisirent en lieu et place une splendide maison, qu'ils gèrent comme une résidence secondaire. Lorsque nous sommes allés les voir à Polop, un jour Michelle indiqua une maison et lui précisa qu'elle était la propriété de pieds-noirs, la famille Pons qui résidait rue Liébert à Saint Eugène. Aussitôt Lucette se souvint que le fils, Alain, était un camarade de classe de sa plus tendre enfance. Mais la résidence indiquée étant inoccupée, il a été impossible d'en savoir plus. Quelques semaines après notre retour, Michelle et Jean étant restés chez eux, l'amie de Lucette pût rencontrer une femme qui s'avérait être Mme Pons. Cette dernière donna à Michelle les renseignements concernant son fils, qui s'appelait en réalité Girard et non Pons comme Lucette le pensait, renseignements que Michelle s'empressa de communiquer à Lucette. Immédiatement elle prit le téléphone et contacta son camarade d'enfance, et celui-ci vînt la voir le lendemain, avec sa femme. Nous venons de décrire comment Lucette a atteint le point de jonction, voyons comment Anne-Marie connut Alain. Par sa tante, Anne-Marie renoua des contacts avec une amie de Saint Eugène, Ghislaine Robin. Avec son amie qu'elle venait de retrouver, Anne-Marie alla à une réunion de l'ASSE à l'hôtel Novotel à Marseille. Là elle retrouva un de ses camarades Serge Domenech. Mais ce n'est pas par Serge que Anne-Marie retrouva Lucette. Comme il savait que tous les deux habitaient Saint Eugène, Serge lui présenta Alain Girard, qu'il avait connu lors de son service militaire. Aussi dès que Alain rencontra Lucette, il appela Anne-Marie, ayant appris lors de sa rencontre avec ma femme que celle-ci recherchait ses camarades de classe. Vous venez de découvrir comment une retrouvaille tient à peu de chose, le moindre détail pouvant recouper une vague information.
Nous venons de voir que le village espagnol Polop de la Marina a été la base des retrouvailles entre Lucette et Anne-Marie, mais nous allons voir que le monde est bien petit. Lors d'un autre séjour dans ce village, Michelle indiqua à Lucette qu'un pied-noir habitait telle maison, à une centaine de mètres de sa résidence. Et lorsqu'elle prononça le nom de cette personne, Orts, ceci réveilla des souvenirs chez Lucette. Après plusieurs tentatives, elle eut la confirmation qu'il avait une s½ur dénommée Angèle. Après notre retour en Provence, il fallut attendre une à deux semaines pour que Michelle réussisse à obtenir le numéro de téléphone de sa s½ur, numéro qu'elle communiqua immédiatement à Lucette. Dès le lendemain, Lucette appela le numéro donné, et elle eût la joie de retrouver sa camarade de classe Marie-Ange Orts (que tous les camarades appelaient Angèle). Elle fit d'une pierre deux coups, car en retrouvant Marie-Ange, Lucette retrouva Alain Dipas, un autre camarade de classe qui était resté en contact avec Marie-Ange. Le nombre commençait à être considérable (enfin tel le pensions-nous à cette époque, mais il n'en était rien, car l'année suivante fut très fructueuse), et Lucette éprouva le besoin de réunir tout ce monde, ce qu'elle réussit à faire le 24 Avril 2004. Mais lorsqu'elle contacta Serge pour lui faire part de son désir, celui-ci enchanté lui signala qu'il avait un contact avec un camarade de classe qu'ils n'avaient fréquenté qu'en 6e et 5e, Alain Hanana, et qu'il fallait l'inclure dans la fête, ce que bien entendu Lucette accepta. Serge fît la démarche de le prévenir.
C'est ainsi que se retrouvèrent chez nous à Roquevaire quatorze anciens élèves du Cours Complémentaire de la Pointe Pescade. Pour ceux qui ne s'étaient pas revus depuis leurs départs d'Algérie, il fallait voir leurs émotions et leurs efforts pour se reconnaître. En effet, même si chacun d'entre nous conserve certaines caractéristiques physionomiques, il faut admettre que globalement notre aspect change avec le temps. Malgré ce constat, tout le monde ou peu s'en faut, s'est reconnu. Après les premières émotions de retrouvailles et les embrassades, la consultation de photos que beaucoup d'entre eux avaient emmenées avec eux, mobilisa une longue période. Cette première heure fut conclue par un apéritif, où Lucette convia ses parents qui étaient heureux de voir des "petits", être des hommes ou femmes. Tous les camarades retrouvés étaient présents, à l'exception de Ahmed El Affaf, et Mohamed Larbi qui vivaient respectivement en Algérie et au Canada.
Après cet apéritif, nous nous dirigeâmes vers le restaurant. Je pense que peu de personne n'a retenu le menu, vu que les conversations étaient intenses. Il fallait en si peu de minutes, que chacun raconte son parcours depuis son départ d'Algérie. Ce qui fut aussi remarquable pour nous les "pièces rapportées", c'était de constater que les anciennes affinités se renouaient, et ceci le plus naturellement du monde.
Tout le monde remercia Lucette de l'idée d'organiser une telle réunion, et tout le monde déplorait que tous ne soient pas retrouvés.
Pause (ou pose) dans le repas, à gauche Rémi Libaude, Serge Domenech et Lucette Gatt
Cette remarque intensifia la volonté de recherche de Lucette, ce qui, nous le verrons prochainement, la porta à renouer des contacts avec la quasi-totalité de la classe. C'est aussi lors de ce repas, que tous émirent l'idée de maintenir cette idée de réunion annuelle entre camarades. Et c'est lors de la discussion sur ce sujet, qu'une personne, laquelle je ne m'en souviens plus, proposa que la prochaine réunion se déroule sur les lieux de leur adolescence. Très peu avait fait un voyage de retour aux sources, et beaucoup furent enchantés de cette proposition, et tous quittèrent le restaurant avec cette idée en tête, pour revenir chez Lucette afin de poursuivre les échanges et d'approfondir la proposition.
Sur ce dernier point, et pour des raisons qui leurs sont propres et que nous respectons, certains refusèrent la proposition de voyage. Par contre tous les volontaires à cette idée se mirent d'accord au fait que pour des raisons de sécurité, il leur semblait indispensable de passer par une agence de voyage. Bien que l'Algérie soit sur une pente d'amélioration au niveau de la sécurité, le terrorisme est un sujet trop grave pour prendre le moindre risque. L'idée de partir retrouver leur terre natale avec une agence de voyage en chagrina plus d'un, mais tous les prétendants au voyage admirent que c'était un passage obligatoire. Sur ce constat, Lucette et Serge s'engagèrent d'étudier une proposition chacun de leur côté, et de se revoir lorsqu'ils auraient tous les éléments en main.
La réunion de retrouvailles prit fin sur l'engagement de tous à poursuivre ce type de rencontre annuellement, de faire chacun de son côté le nécessaire pour retrouver le plus de camarades possibles. Tous les prétendants au voyage jurèrent de se rendre disponible pour un voyage de retour sur la terre natale en 2005.
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Cours Complémentaire de Pointe Pescade - Retrouvailles entre camarades de classe - Premières retrouvailles
© Daniel Larcier - Décembre 2006